Souvent occulté par le récit des combats, le sort des civils lors de l’arrivée des Américains, en 1944, est raconté par Jean-Philippe Chamaillet, gendarme retraité, dans son livre La libération d’Angers. Il le présente ce samedi 14 décembre, à Angers (Maine-et-Loire).
Deux mois après le déluge de feu et de sang sur les plages du Débarquement, les troupes américaines percent au nord-ouest du Maine-et-Loire, à Pouancé, le 4 août 1944. Sept jours plus tard, Angers est libérée de l’occupation allemande. Entre-temps, des dizaines de destins sont à fouiller, à rassembler, à recoller. Jean-Philippe Chamaillet s’est emparé de cette mission pour en construire un livre, La libération d’Angers, sorti il y a deux semaines en librairie.
Les récits sont principalement ceux de civils. Ceux dont le malheur les place parfois au milieu des échanges de tirs. « C’est un sujet qui m’intéresse, car il a encore peu été traité. Il y a beaucoup d’ouvrages sur les combats, mais peu sur les civils. » Ils seront pourtant 82, selon l’enquête de l’auteur, à tomber entre l’entrée des troupes alliées dans le département et sa libération. Quarante-deux rien qu’à Angers. « Ça peut paraître peu à l’échelle de la ville, mais ce sont déjà des morts en trop », observe le gendarme à la retraite, déjà auteur de deux autres ouvrages sur les deux guerres mondiales vues de Chalonnes-sur-Loire.
« Au mauvais endroit au mauvais moment »
Les circonstances de ces décès sont nombreuses : bombardements, balles perdues, représailles allemandes… Comme ce policier français tué à sa fenêtre, alors qu’il ne participait pas aux combats. « Dans beaucoup de conflits, la tendance est à oublier ces civils. Leur seule faute, c’est d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment », souligne Jean-Philippe Chamaillet. Ils retrouvent une place à travers les pages du livre, qui se veut « accessible pour tous », avec de nombreuses photographies et cartes.
Le livre comprend des illustrations piochées dans les collections des archives départementales, ou dans les fonds de collectionneurs privés. La plupart sont inédites. Il faut ajouter à cela un fastidieux travail de recherche, long de deux ans, pour raconter les histoires qui y sont liées. « J’ai par exemple rencontré la petite-fille d’un gendarme tué sur le pont de Verdun. »
« Ça devenait difficile à vivre »
Poser des mots, aussi, sur des faubourgs défigurés par les affrontements auxquels les civils sont presque sommés de s’habituer. Car si de Pouancé jusqu’à Angers, les Américains mènent une offensive éclair, la résistance des Allemands est bien présente autour de la Maine. « C’était un carrefour stratégique. Il y avait donc beaucoup d’effectifs allemands, mais très peu de blindés et d’artillerie pour tenir. »
Dans la cité du roi René, les combats s’étendent du 7 au 11 août 1944. « La vie continuait », note Guy Stefanini, historien auteur de la préface et de la postface avec Michel Le Tertre. Pas le choix, les habitants sont contraints de rester dans l’enceinte de la ville. « Ça devenait très difficile à vivre, poursuit l’historien, il manquait de gaz et de viande. »
Les Forces françaises de l’intérieur mènent alors majoritairement des actions de renseignement. « Le Maine-et-Loire n’était pas une grande force de la résistance », analyse Guy Stefanini. Le 25 août, Paris est libéré par les Alliés, et en septembre, les trois quarts du territoire sont délivrés de l’Occupation.
La libération d’Angers, de Jean-Philippe Chamaillet. 25 €. Disponible à Angers à la librairie Richer et à l’Antre des curieux.
Article paru dans Ouest France le 13 décembre 2024 (lire l’article)
Jean-Philippe Chamaillet, Michel Letertre, auteur de la préface, et Guy Stefanini, auteur de la postface de l’ouvrage. | OF
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